L’histoire d’une grande idée : les champs en physique – Acte II : de l’action à distance à l’idée de champ

Bien que l’idée de force à distance naquit avec la gravitation, l’élaboration du concept de champ est cependant étroitement liée à la progression de la compréhension des phénomènes électriques et magnétiques.

Les phénomènes électrostatiques et magnétiques sont connus depuis au moins l’antiquité. On en trouve déjà une description chez le savant grec Thalès de Milet environ 500 ans av. J.-C. ; description qu’il aurait lui même ramenée d’Egypte. Tout au long de la longue période de sommeil de la science européenne qui s’étend de l’antiquité à Galilée, les progrès dans ce domaine ont été quasiment négligeables.

Dans le domaine de l’électricité, on avait découvert depuis fort longtemps qu’après avoir frotté avec un chiffon ou une peau de chat un bâton composé de divers matériaux, certains d’entre eux attiraient des corps légers, comme des morceaux de papier par exemple.

Dans le domaine du magnétisme, on connaissait l’existence d’aimants permanents et l’on avait constaté que l’aimantation pouvait être transmise d’un aimant à de petits objets métalliques comme des épingles. Malgré des différences sensibles, les phénomènes électriques et magnétiques possédaient deux points communs qui les reliaient : d’une part ils mettaient en jeu des forces qui semblaient agir à distance et d’autre part ce pouvoir pouvait être communiqué aux objets. Ces similitudes suffirent à sceller leur histoire.

Les premières véritables études à caractère scientifique des phénomènes d’électrisation sont entreprises par William Gilbert qui publie en 1600 le premier traité connu consacré à ces questions : De magnete. On lui doit notamment l’invention de l’adjectif électrique tiré du mot grec elektron qui signifie ambre ; l’un des premiers matériaux à avoir été électrisé par friction. Cependant, bien que les méthodes expérimentales employées par William Gilbert préfigurent par leur rigueur celles de la science du XVIIe siècle, ses interprétations des phénomènes électriques et magnétiques restent attachées à la tradition des siècles passés : il invoque encore la loi d’attirance des semblables pour rendre compte de l’attraction magnétique. En revanche, son étude systématique des phénomènes facilitera la tache de ses successeurs.

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Figure 1‑2 : Portrait de William Gilbert et couverture de son célèbre ouvrage De magnete.

Procédons à une expérience simple : électrisons un bâton de verre en le frottant et approchons-le de petites billes de polystyrène enveloppées de papier métallique. Dans un premier temps les billes sont attirées par le bâton puis, dès qu’elles l’ont touché, elles en sont repoussées. Maintenant rapprochons-les d’un bâton d’ambre électrisé lui aussi par friction ; on observe le même phénomène : les billes sont d’abord attirées puis, après contact avec le bâton, elles subissent une force de répulsion. Si l’on approche de nouveau le bâton de verre électrisé, le même phénomène se reproduit encore une fois, et ainsi de suite.

Cette expérience met en évidence l’existence de deux types d’électricité – on dit aujourd’hui deux types de charge électrique – qui sont transmis du bâton aux billes : le premier type de charge est obtenu par électrisation du bâton de verre et le second par le bâton d’ambre. De plus, on voit que des charges de même type se repoussent alors que des charges de nature différente s’attirent. Ces propriétés fondamentales de l’électricité sont découvertes par Charles François du Fay en 1733. Il établit que l’électricité existe selon deux natures différentes, l’électricité vitreuse – engendrée par le verre – et l’électricité résineuse – produite par les corps résineux comme l’ambre. Cette description empirique de l’électricité est aujourd’hui abandonnée : nous parlons de charge positive à la place de l’électricité résineuse et de charge négative au lieu d’électricité vitreuse.

Le phénomène d’électrisation par friction est alors mis à profit pour la construction de machines électrostatiques qui permettent de créer de plus grandes quantités d’électricité (par ex. la machine d’Otto von Guericke au XVIIe siècle). Grâce à ces machines, des expériences plus systématiques peuvent être menées.

Ainsi, Stephen Gray montre en 1729 que l’électricité – ou la « vertu électrique » selon ses propres mots – peut être transportée d’un corps à un autre à l’aide d’un fil métallique. Il découvre de cette façon que certains matériaux peuvent conduire l’électricité tandis que d’autres ne le peuvent pas. Il classe ainsi les corps en deux catégories : ceux qui conduisent l’électricité qu’il nommera conducteurs et ceux qui ne la conduisent pas, les non conducteurs (que nous appelons aujourd’hui isolants).

Cette découverte encourage l’idée que l’électricité serait en quelque sorte un fluide qui pourrait s’écouler le long de certains matériaux. Cette théorie est appuyée en 1745 à Leyde aux Pays-Bas par Pieter van Musschenbroek qui parvient à « mettre en bouteille » le dit fluide électrique : il réussit à « stocker » de l’électricité dans une bouteille contenant des feuilles d’étain chiffonnées. Son invention, qui restera dans l’histoire sous le nom de bouteille de Leyde, est dans les faits, le premier condensateur électrique.

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Figure 1‑3 : Bouteilles de Leyde, premiers condensateurs électriques.

En étudiant les propriétés conductrices des matériaux, Stephen Gray fait une autre grande découverte : il montre que l’électricité se répartit à la surface des objets conducteurs.

A ce stade une question fondamentale est posée : existe-t-il deux «fluides» électriques (théorie proposée par l’Abbé Jean-Antoine Nollet en 1739) comme le suggère en première analyse la découverte de du Fay, ou bien les natures résineuse et vitreuse de l’électricité ne sont-elles que la manifestation d’un seul et unique « fluide » ?

La majorité de la communauté scientifique de l’époque se rallie au premier point de vue. Cependant, malgré une vive opposition, Benjamin Franklin présente sa théorie du fluide unique en 1747. Selon lui, le fluide électrique est identique à l’un de ceux imaginés par Nollet, l’autre fluide identifié par Nollet correspondrait en fait à l’absence du premier. Par convention il attribue au fluide électrique une charge positive et à l’absence de fluide, une charge négative. Sous l’angle de la théorie de Benjamin Franklin, l’électrisation de l’ambre et du verre trouve l’interprétation simple suivante : en frottant un bâton d’ambre on « arrache » du fluide électrique (des charges positives) du chiffon et on les dépose sur le bâton dont la charge devient positive. Inversement, en frottant un bâton de verre, on en « extirpe » du fluide électrique ; ce dernier devient donc chargé négativement.

  • L’interprétation moderne de ces expériences est très proche de celle de Benjamin Franklin à la différence près que l’on sait aujourd’hui que le «fluide électrique» est en fait constitué d’électrons chargés négativement. En tout état de cause, l’hypothèse de Franklin l’amène alors tout naturellement à introduire le principe de conservation de la charge électrique : la somme des charges négatives soustraite à la somme des charges positives est une constante. Ce principe ne connaît pas de violation et constitue encore aujourd’hui l’une des pierres angulaires de la physique.

La force électrique

En 1770, l’état des connaissances en électricité peut se résumer ainsi :

  • – L’électricité existe sous deux natures différentes,
  • – L’électricité est toujours conservée,
  • – Certains matériaux peuvent transporter l’électricité – les conducteurs – d’autres non – les non conducteurs,
  • – Des charges de même signe se repoussent et des charges de signes opposés s’attirent.

De grands progrès ont été accomplis mais ces connaissances restent néanmoins qualitatives. Il reste à trouver la loi qui régit les forces électriques, comme Newton l’avait fait avec la gravitation.

En 1785, Charles Augustin Coulomb se lance dans cette entreprise. A l’aide d’une balance à torsion, il établit la loi d’attraction ou de répulsion des charges électriques. La loi qu’il découvre, dite loi de Coulomb, montre que la force est proportionnelle aux charges et inversement proportionnelle au carré de la distance qui les sépare. Il est remarquable de noter que cette loi est identique, dans sa forme, à la loi de la gravitation universelle. Cette similitude permet de transposer aux forces électriques tous les développements mathématiques autour de la loi de Newton. Notamment, l’éminent mathématicien Joseph Louis Lagrange, célèbre pour ses recherches théoriques en mécanique newtonienne, a introduit en 1777 le concept révolutionnaire de potentiel gravitationnel. Ce concept peut être directement transposé à l’interaction électrique pour donner naissance au potentiel électrique comme nous allons le voir plus loin.

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Figure 1‑4 : Portrait de Charles Augustin Coulomb. Balance à torsion de Coulomb qui permit de quantifier la force électrostatique.

Avec la loi de Coulomb il est dès lors possible de connaître l’intensité et l’orientation de la force de répulsion ou d’attraction électrostatique qui agit sur des charges électriques en fonction de leur distance mutuelle. Cette force apparaît clairement comme une interaction de deux ou plusieurs charges électriques, c’est-à-dire une force qui agit à distance entre les charges les unes sur les autres et réciproquement (une charge isolée n’est soumise à aucune force).

Considérons maintenant une charge électrique fixe et une charge test qui peut être déplacée à volonté. Nous supposerons que ces deux charges sont de signes opposés. La charge test ressent une force électrostatique engendrée par la présence de la charge fixe et dont l’intensité et la direction sont données par la loi de Coulomb. En déplaçant la charge test et en mesurant en chaque point l’intensité de cette force, il est possible de tracer une « carte » de la force électrostatique telle qu’elle est ressentie par la charge test. Les figures ci-dessous représentent de telles « cartes ».

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Figure 1‑5 : Carte » des forces électriques  mesurées au voisinage d’une charge électrique. A gauche, cas d’une charge positive et à droite cas d’une charge négative. En haut, carte des forces électrostatiques et en bas intensité de cette force.

On remarque que la direction des forces électrostatiques convergent – ou divergent selon le signe de la charge fixe – vers la charge fixe le long de lignes droites tel qu’illustré dans la figure suivante.

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Figure 1‑6 – Lignes de force engendrées par une charge électrique positive (à gauche) et négative (à droite).

Il est possible de remplacer la charge fixe par deux charges fixes, distantes l’une de l’autre. Avec l’aide d’une charge test on obtient alors une carte (voir la Figure 1‑7) sensiblement différente de la précédente. Toutefois, comme précédemment, les forces électrostatiques semblent suivre des lignes, courbes cette fois-ci, auxquelles elles sont tangentes et qui convergent vers les charges.

Ces lignes que suivent les forces sont très vite identifiées et baptisées lignes de force. Elles ne nous fournissent aucune information quantitative sur l’intensité de la force électrostatique mais en revanche elles nous renseignent sur l’orientation dans l’espace de celles-ci. Bien entendu, les forces n’existent pas en l’absence de la (ou des) charge de test car comme nous l’avons dit en préambule, la force électrostatique est une interaction, c’est-à-dire une action entre au moins deux charges. Les lignes qui apparaissent sur les images de la Figure 1‑7 sont dessinées par des particules de limaille de fer ; elles matérialisent les interactions de la limaille avec les charges électriques. Cette expérience simple tend pourtant à montrer que les lignes de force semblent exister même en l’absence de la limaille. En effet, dès que nous introduisons une charge test en un point, celle-ci ressent immédiatement une force dont la direction est fournie par la ligne de force. En quelque sorte, tout se passe comme si la charge fixe rayonnait les lignes de force : celles-ci semblent prendre leur source dans les charges elles-mêmes. Elles matérialisent d’une certaine manière ce que pourrait être potentiellement la force agissant sur une charge test que l’on introduirait.

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Figure 1‑7 – Lignes de force engendrées par deux charges électriques : a) de signes opposés, b) toutes deux positives.

Des aimants dans les fils électriques

Comme nous l’avons vu plus haut, la circulation de l’électricité est découverte dès 1729 par Stephen Gray mais l’étude systématique de ce phénomène se heurte à un obstacle de taille : l’absence de source continue d’électricité. Les machines électrostatiques de l’époque délivrent des courants dont l’intensité est insuffisante pour mettre en évidence de nouveaux phénomènes. Cette situation change brusquement à partir de 1793, après l’invention par Allessandro Volta de la première pile électrique – dite aussi pile voltaïque – construite par empilement alterné de disques de cuivre et de zinc séparés par des pièces de tissu imbibées d’acide.

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Figure 1‑8 : Portrait de Allessandro Volta et sa pile électrique.

La circulation de l’électricité le long d’un conducteur est baptisée le courant électrique. Le choix du mot courant révèle clairement à quel point la conception d’un « fluide » électrique est ancrée dans les esprits. L’intensité du courant électrique se définit comme la quantité de charge électrique se déplaçant par seconde en un point donné.

A la manière d’un fluide, « l’écoulement » de l’électricité dans un fil peut varier avec la nature du conducteur employé. Cet « écoulement » semble rencontrer une résistance de la part du matériau dans lequel il circule car on observe la génération de chaleur. Déjà en 1775 Henry Cavendish avait introduit le concept de résistance électrique mais faute de source continue d’électricité et de moyen de mesurer le courant, il ne parvint pas à établir de loi quantitative pour celle-ci. Il faut attendre les travaux de Georg Simon Ohm en 1826 pour qu’une loi quantitative – la loi d’Ohm – permette de mettre en relation l’intensité du courant électrique, la résistance du conducteur dans lequel il s’écoule et la quantité d’énergie dégagée. Cette loi est appliquée quotidiennement dans les radiateurs, les fours et les ampoules électriques.

L’étude systématique du courant électrique ouvre alors de nouveaux horizons qui bouleversent la science électromagnétique au tournant du XVIIIe siècle.

En 1820, en étudiant la dissipation thermique d’un courant circulant dans un fil métallique et alimenté par une pile voltaïque, Hans Christian Ørsted découvre par hasard que le courant électrique modifie l’orientation d’une boussole posée près du fil. Il constate que le passage du courant électrique a pour effet d’orienter la boussole perpendiculairement au fil.

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Figure 1‑9 – Expérience de Hans C. Oersted : la circulation d’un courant électrique oriente l’aiguille d’une boussole perpendiculairement à la direction du courant.

A peine une semaine plus tard, André Marie Ampère qui eut connaissance de la découverte d’Oersted observe que deux fils parallèles parcourus par des courants électriques de sens opposé s’attirent. Il identifie la circulation des charges électriques dans les fils conducteurs comme la source de la force d’attraction. C’est à cette occasion qu’il invente le concept, de courant électrique. Les expériences d’Oersted et d’Ampère viennent de bouleverser les conceptions de l’époque sur le magnétisme ; elles indiquent sans ambiguïté un lien étroit entre les phénomènes électriques et magnétiques, les premiers engendrant les seconds.

La même année, dans le sillage des travaux d’Oersted et d’Ampère, Jean-Baptiste Biot et Félix Savart montrent que la force exercée l’un sur l’autre par deux fils parcourus par un courant électrique est inversement proportionnelle à la distance qui les sépare.

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Figure 1‑10 De gauche à droite : André Ampère, Jean-Baptiste Biot et Félix Savart.

En analysant plus en détail les résultats de leurs expériences, Biot et Savart sont amenés à considérer, non pas les fils électriques dans leur totalité, mais des segments infinitésimaux de fil. Ils établissent alors la loi qui régit la force qui s’exerce sur deux éléments infinitésimaux de fil parcourus par un courant électrique, loi qui porte dorénavant leur nom (loi de Biot-Savart). Cette force présente les caractéristiques suivantes :

– Son intensité est inversement proportionnelle au carré de la distance au fil,

– Son intensité est proportionnelle à l’intensité du courant qui circule dans le fil,

– Elle est orientée perpendiculairement au fil.

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Figure 1‑11 – Force magnétique induite par un courant circulant dans un fil rectiligne. La limaille de fer matérialise les lignes de champ.

Par sa dépendance inverse avec le carré de la distance, la loi de Biot-Savart comporte un point commun de taille avec la loi de Coulomb, pourtant on ne saurait transposer purement et simplement les lois de l’électrostatique aux phénomènes électromagnétiques. Les choses sont plus complexes. En premier lieu, la force électromagnétique est orientée perpendiculairement au fil et tangentiellement à des cercles centrés sur celui-ci (voir figure ci-dessus). Cela montre clairement que les lignes de force magnétiques sont toujours refermées sur elles-mêmes, alors que les lignes de force électrique ont une extrémité confondue avec la charge électrique, qui lui tient lieu de « source ». Cette remarque empirique suggère qu’il n’existerait apparemment pas de charge magnétique mais nous reviendrons plus tard sur ce point.

Ampère montre un peu plus tard par l’expérience et par le calcul en appliquant la loi de Biot-Savart qu’un anneau parcouru par un courant électrique (qu’il baptise un solénoïde) se comporte exactement comme un aimant : l’anneau présente un pôle nord sur l’une de ces faces et un pôle sud sur l’autre face (voir la figure ci-dessous). Un pont est jeté entre les phénomènes magnétiques, électriques et électromagnétiques mais la nature du lien qui relie l’ensemble de ces phénomènes n’est pas éclaircie.

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Figure 1‑12- Lignes de champ engendrées par un anneau parcouru par un courant électrique et matérialisées par de la limaille de fer.

Les lignes de force électromagnétique peuvent être très facilement matérialisées à l’aide de limaille de fer (poussière de fer). La limaille de fer plongée dans un champ magnétique, comme tout objet métallique, se magnétise. Chaque grain de limaille de fer devient un minuscule aimant qui s’oriente le long des lignes de force magnétique, donnant ainsi “ corps ” à celles-ci. Nous en avons déjà vu des illustrations sur des figures précédentes.

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Figure 1‑13- En haut : lignes de champ engendrées pat un aimant et matérialisées par de la limaille de fer. En bas : lignes de champs engendrées par un solénoïde.

La genèse de l’idée de champ

Les solénoïdes sont faciles à fabriquer et la force qu’ils engendrent est parfaitement décrite par la loi de Biot-Savart. Ils deviennent un outil facile à manipuler et dont le comportement est prédictible. Pourtant, en 1831, Michael Faraday découvre un phénomène totalement nouveau : en mettant deux solénoïdes en regard l’un de l’autre et en faisant circuler un courant dans l’un d’eux il montre qu’en le déplaçant un courant apparaît alors spontanément dans l’autre bobine. Tout se passe comme si le premier solénoïde, par le biais des forces magnétiques qu’il engendre, induisait un courant dans le second solénoïde. Faraday vient de découvrir le phénomène d’induction électromagnétique.

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Figure 1‑14 : Expérience de l’induction d’un courant électrique dans le solénoïde A par la variation du champ engendré par la bobine B (la variation du champ est ici provoquée par le déplacement du solénoïde B comme indiqué par la grosse flèche dirigée vers la droite).

Faraday est un personnage singulier : issu d’une famille modeste (son père était ouvrier forgeron), il acquiert son instruction scientifique par lui même en lisant des articles qui lui tombent sous la main alors qu’il est apprenti chez un relieur et libraire. Celui-ci le recommande au célèbre chimiste Sir Humphry Davy qui l’engage en 1815 comme aide au laboratoire de la Royal Institution of Great Britain ; Faraday en devient le directeur en 1825 ! De par sa méconnaissance des aspects mathématiques de la physique de son temps, Faraday aborde les phénomènes électriques et magnétiques sous un angle totalement nouveau et original, vierge des préjugés de la mécanique newtonienne alors omnipotente dans la physique de l’époque.

La découverte de l’induction électromagnétique va avoir un très fort impact sur l’esprit de Faraday. Créer un courant électrique signifie animer des charges électriques. Pour animer des charges il faut nécessairement de l’énergie. D’où provient cette énergie ? Forcément du premier solénoïde car dès que le courant qui circule dans celui-ci est coupé, le phénomène d’induction s’arrête tout aussitôt. Mais comment cette énergie est-elle véhiculée du premier solénoïde au second ?

C’est alors qu’une idée va mûrir dans la tête de Faraday : il imagine des « tubes de force » qui transportent l’énergie électromagnétique d’un solénoïde à l’autre, un peu à la manière de courants dans un fluide. En faisant varier l’intensité du courant électrique dans le premier solénoïde ou en déplaçant celui-ci, les « tubes de force » se déforment de la même manière que les courants dans une rivière lorsque l’on augmente son débit. Cette déformation va finalement emporter avec elle les charges électriques situées dans le second solénoïde selon un mécanisme qu’il s’explique encore mal mais qu’il parvient à se représenter mentalement.

La force électrostatique peut être comparée à la force d’entraînement d’un courant (au sens de flux) engendré par les sources et les puits d’un fluide imaginaire. Dans cette analogie, les charges électriques jouent le rôle de puits et de sources (les charges positives seraient des sources et les charges négatives des puits). On peut alors admettre que l’énergie communiquée aux charges par le biais de la force électrostatique se trouve concentrée dans les sources et les puits qui par aspiration et refoulement les entraînent dans le courant du fluide. Toutes les lois de l’électrostatique peuvent être reconstruites par le moyen de cette analogie très simple.

Dans le cas du magnétisme, cette image ne tient plus. Nous avons vu que les lignes de force électromagnétique se referment sur elles-mêmes. Donc, en toute rigueur, le flux de l’hypothétique fluide magnétique est le résultat d’une « action à distance » sans source d’entraînement directe comme le sont les « sources » et les « puits » du « fluide électrostatique ». Il s’ensuit, comme Faraday le fait remarquer, que l’énergie magnétique n’est pas concentrée dans le solénoïde mais plutôt « dispersée » dans l’espace qui l’environne. Selon cette vision, l’énergie de l’influence électromagnétique se trouve dans l’espace et non plus dans le solénoïde ; ce dernier ne joue plus que le rôle de «concentrateur» des lignes de force. Il baptise ce nouveau concept «contiguous magnetic action» (action magnétique contiguë) exprimant ainsi le point central de son idée : une action qui agit de proche en proche dans l’espace. Ce concept, nous l’appelons aujourd’hui un champ.

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